Cardinalité et infinis
La cardinalité concerne la mesure du nombre d'éléments dans un ensemble. Pour les ensembles finis, c'est simple : la cardinalité est simplement le nombre d'éléments. Pour les ensembles infinis, cela devient plus intéressant, car toutes les infinités ne sont pas de la même taille.
Ensembles finis
Si \( \large A = \{1,2,3,4\}\), la cardinalité est :
$$ \large |A| = 4 $$
Ici, il s'agit simplement de compter les éléments.
Ensembles infinis dénombrables
Un ensemble est infini dénombrable si ses éléments peuvent être disposés dans une liste, de sorte que chaque élément ait un numéro : \(1,2,3,\ldots\). C'est-à-dire qu'il existe une correspondance bijective entre l'ensemble et les nombres naturels \( \large \mathbb{N}\).
Exemples :
- Les nombres naturels : \( \large \mathbb{N} = \{1,2,3,\ldots\}\).
- Les entiers : \( \large \mathbb{Z} = \{\ldots,-2,-1,0,1,2,\ldots\}\).
- Les rationnels : \( \large \mathbb{Q} = \left\{\frac{p}{q} \,\middle|\, p,q \in \mathbb{Z}, q \neq 0\right\}\).
Tous ces ensembles sont infinis, mais ils peuvent néanmoins être disposés dans une liste, ce qui les rend dénombrables.
Ensembles non dénombrables
Certains ensembles sont si grands qu'ils ne peuvent pas être disposés dans une liste. Ils sont appelés non dénombrables. L'exemple classique est l'ensemble des nombres réels \( \large \mathbb{R}\).
On peut montrer que même entre 0 et 1, il existe une infinité de nombres réels, et qu'ils ne peuvent pas être numérotés. Cela a été démontré par Georg Cantor avec le célèbre argument de la diagonalisation.
Diagonalisation de Cantor
Supposons que nous puissions énumérer tous les nombres réels entre 0 et 1 :
0.12345...
0.45012...
0.99999...
0.30147...
0.77777...
...
Nous prenons maintenant la séquence diagonale des chiffres : \(1, 5, 9, 4, 7, \ldots\). Pour chacun de ces chiffres, nous faisons un changement, par exemple en ajoutant 1 (et en remplaçant 9 par 0).
Ainsi, un nouveau nombre est construit :
$$ \large 0.26058\ldots $$
Ce nombre est différent de tous ceux de la liste, car il diffère d'au moins un chiffre de chaque nombre (le chiffre diagonal). Il ne peut donc pas exister de liste complète des nombres réels de l'intervalle \([0,1]\). L'ensemble des nombres réels est donc non dénombrable.
Tailles de l'infini
La cardinalité des nombres naturels est notée \( \large \aleph_0\) (alef-zéro). Tous les ensembles infinis dénombrables ont cette cardinalité.
La cardinalité des nombres réels est plus grande et s'appelle la cardinalité du continu, souvent notée \( \large \mathfrak{c}\).
Ainsi, il existe plusieurs “tailles” d'infini : un ensemble infini peut être “plus petit” qu'un autre ensemble infini, mesuré par la cardinalité.
L'hypothèse du continu
Nous avons vu que les nombres naturels \( \large \mathbb{N}\) ont une cardinalité \( \large \aleph_0\), et que les nombres réels \( \large \mathbb{R}\) ont une cardinalité plus grande, appelée le continu \( \large \mathfrak{c}\).
L'hypothèse du continu (CH) pose la question : existe-t-il un ensemble dont la cardinalité se situe entre les deux ?
$$ \large \aleph_0 < |X| < \mathfrak{c} \;? $$
Si un tel ensemble existe, il serait “plus grand” que les infinités dénombrables, mais encore “plus petit” que les nombres réels. Cantor pensait que la réponse était non, c'est-à-dire qu'il n'existe pas d'ensemble avec une cardinalité entre \( \aleph_0\) et \( \mathfrak{c}\). Cela s'appelle l'hypothèse originale du continu.
Le problème est célèbre car il ne peut pas être décidé dans le cadre des règles habituelles de la théorie des ensembles. Ces règles s'appellent ZFC (théorie des ensembles de Zermelo–Fraenkel avec l'axiome du choix) et sont utilisées comme fondement des mathématiques modernes. Gödel a montré en 1940 que l'hypothèse du continu ne pouvait pas être réfutée dans ZFC, et Cohen a montré en 1963 qu'elle ne pouvait pas non plus être prouvée. Cela signifie que l'hypothèse est indécidable dans ZFC.
En d'autres termes : l'hypothèse du continu est une question qui ne peut pas être résolue avec les axiomes sur lesquels nous construisons habituellement les mathématiques. On peut choisir d'étendre le système et supposer que l'hypothèse est vraie, ou qu'elle est fausse – les deux sont mathématiquement cohérentes.
C'est pourquoi c'est l'un des exemples les plus fascinants de questions à la frontière de ce que nous pouvons démontrer.